23/07/2025
9 minutes
Teampact Ventures se distingue dans le paysage du capital-risque français par une thèse d’investissement exigeante, une forte volonté d’impact et un accompagnement singulier porté par des profils variés, notamment des sportifs de haut niveau. Romain Vidal, co-fondateur, revient en détail sur la création du fonds, ses spécificités, et sa vision d’un capital-risque au service des entreprises qui construiront le monde de demain.
Romain VIDAL
Co-Founder chez Teampact Ventures
Romain : Nous sommes plusieurs co-fondateurs, et c’est vraiment la convergence des volontés de chacun qui a permis la création de Teampact Ventures. Pour ma part, c’est assez simple : je veux investir uniquement dans des entreprises où j’aimerais voir mes enfants travailler. Je pense sincèrement que nous avons changé d’époque. Les meilleurs talents aujourd’hui sont infiniment plus exigeants quant à leur employeur, leur mission, et la raison pour laquelle ils se lèvent le matin. Nous ne sommes plus dans une époque où, comme ma génération, on acceptait presque par défaut d’aller en finance ou en consulting. Aujourd’hui, les jeunes (et beaucoup de moins jeunes) veulent être utiles.
Nous pensons que les entreprises qui vont dominer les 15 à 30 prochaines années seront celles qui sont indiscutablement utiles à la société et à l’humanité. C’est, selon nous, le critère numéro un pour attirer et garder les meilleurs. Mais ce n’est pas suffisant. Nous avons défini une équation du bonheur au travail : être utile, viser une ambition mondiale, et ne pas faire de compromis sur les équipes. Nous croyons aux entreprises qui sont obsédées par l’idée d’attirer, de retenir et de faire grandir les meilleurs talents.
Sur ce point, nous avons une chance incroyable : des sportifs de très haut niveau sont associés à notre fonds, comme Nikola Karabatic, Raphaël Varane, Antoine Dupont ou Ciryl Gane. Ils ne sont pas seulement investisseurs, ils s’impliquent auprès des entreprises pour les aider à construire des équipes performantes et soudées, car la performance individuelle et collective est au cœur de la réussite. C’est notamment un domaine piloté par mon associé Benjamin Kayser, ancien international de rugby. Notre thèse se concentre sur le climat et la santé, avec l’objectif de faire émerger les prochains leaders mondiaux de ces secteurs essentiels.
Romain : J’ai rencontré Basile Agay lorsqu’il était junior chez CapHorn, le fonds dans lequel j’étais partner et qui a été vendu en 2021 à Anaxago Capital. Je l’avais repéré dès le départ : c’est une machine de guerre, avec une conviction très forte sur les sujets écologiques, ce qui est rare dans le VC. J’accorde une grande importance à l’alignement des intérêts : si on investit dans le climat sans y croire, ça ne fonctionne pas. Basile, lui, est un activiste.
Louis Sutre, notre CFO, était CFO à CapHorn et il nous a aidés dès le début, même s’il a rejoint officiellement Teampact Ventures un peu plus tard.
Avec Benjamin Kayser, nous nous sommes rencontrés via une entreprise dans laquelle nous étions tous les deux co-investisseurs. Il était business angel dans Kolsquare, une société dans laquelle j’ai leadé tous les tours. Quand Benjamin a arrêté sa carrière de rugbyman et qu’il partait faire un MBA à Oxford, le CEO de Kolsquare nous a mis en relation, et le courant est passé tout de suite. Benjamin a toujours été passionné par les dynamiques de performance collective dans le sport de haut niveau et cette recherche de ce qui permet à certaines équipes de gagner génération après génération. C’est exactement le manque que je voulais combler dans le monde de l’investissement.
Romain : Nous investissons via notre fonds principalement dans le climat et la santé, avec un fort intérêt pour l’IA et la robotique. Nous intervenons principalement en seed et en série A, mais nous restons ouverts à des projets plus early si nous pensons pouvoir avoir un réel impact.
Dans le climat, nous cherchons des entreprises qui proposent des alternatives plus durables sans compromis. Nous n’investissons pas dans des boîtes qui dépendent d’aides ou de sanctions pour exister, ni dans des produits plus chers ou moins performants sous prétexte qu’ils sont « verts ». Nous voulons des produits qui remplacent ceux existants sur leur marché, sans que le client ait besoin de savoir que c’est une alternative plus durable. Par exemple, Really Clever, qui fabrique du cuir à base de champignons, propose un produit qui a vocation à remplacer le cuir classique, avec la même qualité, voire meilleure, et au même prix.
En santé, nous évitons la biotech pure, notamment les projets soumis à de longues phases cliniques à fort risque binaire. Nous nous concentrons sur tout le reste : l’IA appliquée à la santé, la robotique médicale, les organoïdes qui remplacent les essais sur les animaux, la télésurveillance, les applications de suivi en temps réel des patients. Nous cherchons des solutions qui transforment la médecine et l’accompagnement des patients de manière immédiate et concrète.
Romain : Historiquement, via nos SPV, nous avons investi dans Alan, qui vient de remporter le contrat avec Bercy et a connu une croissance impressionnante, passant de 180 millions d’euros ARR à près de 600 millions en deux ans. Nous avons aussi soutenu Wandercraft, qui vient de lever 75 millions de dollars avec Renault et qui est, selon moi, le leader mondial à l’intersection de l’IA et de la robotique, même s’ils ne sont pas encore très visibles médiatiquement.
Parmi les investissements les plus récents, je peux citer Generare, une entreprise que j’apprécie beaucoup. Leur ambition est de séquencer massivement ce que la nature nous offre. Ils partent du principe que la nature a déjà tout inventé et qu’il reste 97 % des molécules naturelles à découvrir. Grâce à la baisse des coûts du séquençage ADN, ils peuvent aujourd’hui mener cette recherche à grande échelle. L’objectif est de découvrir les prochains antibiotiques, anticancéreux et même des alternatives naturelles aux produits chimiques dans l’agriculture. C’est un chantier passionnant.
Romain : Pour moi, c’est la clé. La diversité des expériences et des expertises est la meilleure façon de faire progresser une entreprise. Nous avons fait un choix assumé d’intégrer des sportifs de très haut niveau, car ils ont une compréhension très fine des dynamiques humaines et de la performance collective.
Nos LPs sont aussi des profils variés : entrepreneurs, dirigeants expérimentés, sportifs. Je suis convaincu que les meilleurs entrepreneurs construisent leur succès en collectant des avis et des expertises très différents, en s’entourant de gens qui ne pensent pas comme eux, et en créant leur propre recette.
Cette ouverture d’esprit et cette recherche de diversité sont des qualités que nous retrouvons chez les entrepreneurs que nous accompagnons : ils sont passionnés par leurs équipes, curieux, prêts à se remettre en question et à évoluer vite.
Romain : C’est vraiment le cœur de notre promesse. Nous n’imposons rien, tout repose sur une volonté mutuelle. Nous travaillons sur la performance individuelle en créant des binômes entre des fondateurs et des sportifs de très haut niveau. Ce sont des échanges en one-to-one, où chacun apprend de l’autre.
Sur la performance collective, Benjamin Kayser pilote des parcours et des ateliers pour aider les équipes à poser les bases d’un collectif solide et durable. Nous mobilisons également, de manière opportuniste, notre réseau de LPs : grands entrepreneurs, dirigeants, partenaires de fonds, etc. Quand une startup a besoin d’un expert pointu, nous pouvons activer ce réseau rapidement pour leur faire gagner beaucoup de temps.
Romain : Aujourd’hui, nous gérons près de 50 millions d’euros, en combinant les deux types de véhicules que nous opérons.
D’un côté, nous avons le fonds principal, dédié aux investissements en climat et santé, que nous sommes en train de clôturer. De l’autre, nous avons une activité de SPV (Special Purpose Vehicles). Ce modèle hybride nous permet de garder une certaine agilité et de rester opportunistes sur des deals qui sortent légèrement de notre thèse ou de notre timing.
Sur l’exercice 2024, nous avons réalisé un peu moins de dix investissements via le fonds, ce qui représente un rythme d’exécution que nous considérons comme très satisfaisant, surtout compte tenu de la sélectivité de notre thèse. C’est aussi un signe encourageant de la qualité du deal flow que nous sommes en mesure d’attirer aujourd’hui. Cela confirme également que notre positionnement très clair — à l’intersection de l’impact, de l’ambition business, et de la performance humaine — trouve un écho fort dans l’écosystème.
Du côté du fundraising, nous avons atteint les objectifs que nous nous étions fixés, ce qui est toujours un signal de confiance important envoyé par nos investisseurs, en particulier dans le contexte actuel qui reste assez tendu sur le plan macroéconomique. L’intérêt suscité par notre approche — notamment grâce à l’implication active de sportifs de haut niveau et notre focus climat/santé — nous a permis d’embarquer des LPs alignés, motivés, et diversifiés.
Romain : Chez Teampact Ventures, l’impact et la durabilité ne sont pas des critères secondaires ou des éléments « à cocher » dans notre grille d’évaluation : ce sont les fondations mêmes de notre stratégie d’investissement. C’est la raison pour laquelle nous avons créé ce fonds. Nous pensons que l’avenir appartient aux entreprises qui répondent à des enjeux profonds de société, et nous voulons les aider à émerger, à grandir et à devenir des leaders globaux.
Plutôt que de nous appuyer uniquement sur des cadres normatifs classiques — comme la mesure stricte des tonnes de CO₂ évitées —, nous adoptons une approche qualitative, pragmatique et centrée sur l’intention. Nous nous posons une question simple mais exigeante : cette entreprise est-elle indiscutablement utile ?
Autrement dit, a-t-elle été conçue dès le départ pour répondre à un problème réel, systémique, majeur ? Ou se contente-t-elle d’être dans un secteur « à impact » sans réelle substance derrière ?
Ce filtrage nous permet d’éviter les effets d’aubaine — ces projets opportunistes qui se positionnent sur des tendances parce qu’elles sont financées, et non par conviction. Nous voulons investir dans des entrepreneurs qui ont une vision profonde, sincère et enracinée dans une problématique à fort impact : santé publique, transition environnementale, amélioration de la qualité de vie, souveraineté technologique, etc.
Cette exigence se traduit également par notre sélectivité. Nous ne cherchons pas la croissance pour la croissance. Nous cherchons des projets qui ont le potentiel d’apporter une transformation positive à l’échelle industrielle, tout en générant de la valeur économique durable. Pour nous, l’impact et la performance ne sont pas antagonistes — ils sont intrinsèquement liés.
Romain : Pour l’accompagnement, il n’y a pas de formule magique : c’est du sur-mesure, il faut s’adapter à la réalité de chaque équipe. Ce qui compte, c’est de bien comprendre leurs besoins, leurs dynamiques, et d’y répondre de manière pertinente. C’est pour ça que Benjamin est dédié à cette partie, qui est centrale mais aussi très complexe.
Sur le reste en revanche, tout ce qui touche au sourcing, à l’analyse, à la gestion interne… la techno évolue à une vitesse folle. On est en veille permanente, surtout avec l’explosion des outils liés à l’IA. Ils nous aident à structurer l’information, rédiger, analyser plus vite, mieux prioriser.
C’est une période étonnante. On voit apparaître des outils hyper performants toutes les semaines. Et ça a un effet positif : ça rééquilibre le terrain de jeu. Avant, seuls les très gros fonds pouvaient s’offrir des stacks technos très avancés, avec bases de données propriétaires, outils internes, etc. Aujourd’hui, les outils sont plus accessibles, donc les petits fonds peuvent aussi être très agiles et efficaces.
Romain : À court terme, notre priorité est claire : montrer que notre stratégie “climat et santé” peut être extrêmement rémunératrice.
On vise un multiple top décile en Europe, c’est-à-dire une performance qui montre que ces secteurs ne sont pas seulement des choix politiques ou institutionnels, mais qu’ils représentent vraiment l’avenir économique. C’est un domino essentiel à faire tomber, pas seulement pour nous, mais aussi pour tous ceux qui partagent cette vision.
À plus long terme, on a deux grands objectifs. Le premier, c’est d’atteindre une taille globale en tant que fonds. D’un point de vue structurel, on veut grandir, se renforcer, et devenir un acteur de référence dans notre domaine.
Le deuxième est plus sociétal. On a la chance d’avoir la confiance de grands athlètes. Et dans le monde actuel, où les rôles modèles sont parfois discutables, on pense qu’ils peuvent jouer un rôle central, notamment auprès des jeunes. Ils ont de la notoriété, une vraie légitimité liée à leurs performances, et ils peuvent porter des messages forts sur la santé, le climat, l’engagement.
On croit aussi que ces profils sont sous-valorisés dans le monde professionnel, alors qu’ils ont des compétences très spécifiques. Notre conviction, c’est que le mélange entre des profils scolaires (Polytechnique, Normale Sup’…) et des sportifs de haut niveau peut créer des entreprises exceptionnelles. C’est ça qu’on veut pousser à long terme.
Teampact Ventures incarne une nouvelle génération de fonds d’investissement, où l’impact social et environnemental est une exigence, pas un argument marketing. En plaçant la performance humaine au cœur de sa stratégie et en s’appuyant sur des profils aussi variés que des sportifs de haut niveau et des entrepreneurs aguerris, le fonds redéfinit les codes du capital-risque. Sa vision est claire : soutenir des entreprises réellement utiles, ambitieuses et soucieuses de leurs équipes. Une démarche qui, loin d’être une simple tendance, pourrait bien dessiner le futur du venture capital.