Private Equity et Venture Capital en 2025 : la fin d’un cycle ou l’aube d’un nouveau modèle ?

03/07/2025

6 minutes

Après une décennie d’abondance, le capital-investissement entre dans une nouvelle ère. Hausse des taux, accès au financement plus restreint, régulations accrues : les modèles d’hier doivent évoluer. Private Equity comme Venture Capital sont contraints de repenser leurs stratégies. Fin de cycle ou transformation nécessaire vers un modèle plus résilient ?

Alexandre VELLUTI

Founder & CEO chez Invyo

Private Equity : la fin du « cheap leverage »

L’ère des financements bon marché appartient au passé. Avec la hausse des taux, le modèle classique du LBO basé sur un effet de levier maximal n’est plus viable. La création de valeur doit désormais reposer sur l’optimisation opérationnelle et la croissance organique. Les fonds privilégient des entreprises capables de générer de la rentabilité intrinsèque plutôt que de s’appuyer uniquement sur la restructuration financière.

Les sorties étant plus complexes, les fonds prolongent la durée de vie de certains actifs via des continuation funds. Parallèlement, le middle market devient un terrain d’opportunités : les PME solides, moins sujettes aux fluctuations macroéconomiques, offrent des rendements plus stables que les grands groupes. Par exemple, Ardian, un leader français de la gestion d’actifs privés, a levé un fonds record de 30 milliards de dollars en 2024(1), visant à acquérir des participations dans des fonds de private equity existants, illustrant l’importance croissante du marché secondaire.

Venture Capital : la fin du « blitzscaling », place aux « camel startups »

L’époque où la croissance à tout prix primait touche à sa fin. Désormais, la rentabilité est une exigence dès les premiers tours de financement. En 2024, les start-up françaises ont levé 7,2 milliards d’euros, une baisse de 6 % par rapport à 2023, mais bien en deçà des 12,95 milliards d’euros de 2022(2). Moins de licornes, plus de startups capables d’adapter leur consommation de capital aux cycles de marché.

Certaines jeunes pousses illustrent cette évolution en atteignant la rentabilité rapidement après leur création et levée de fonds. Yuka, par exemple, lancée en 2017, a levé seulement 800 000 € en 2018(3) avant d’atteindre la rentabilité dès 2019(4), en réussissant à dégager un bénéfice de près d’1,5 million d’euros(3) grâce aux licences premium. Le Slip Français, fondé en 2011, a suivi une trajectoire similaire : après une levée de 2 millions d’euros en 2015, la marque avait déjà atteint la rentabilité dès 2013(5), en misant sur une production locale et une communauté engagée. Inspiré des camel startups, ce nouveau paradigme repose sur l’autonomie et la frugalité, en opposition au blitzscaling d’hier.

Les investisseurs deviennent plus sélectifs, poussant les entrepreneurs à explorer d’autres options comme le venture debt ou le revenue-based financing. Loin d’être un ralentissement, cette transition marque un retour à une gestion plus rigoureuse, centrée sur la valeur intrinsèque plutôt que sur l’hypercroissance spéculative.

Une convergence entre Private Equity et Venture Capital

Les frontières entre PE et VC s’estompent. Certains fonds de Private Equity investissent plus tôt dans des entreprises encore en structuration pour capter leur potentiel de croissance. À l’inverse, certains VCs adoptent une approche plus proche du Private Equity, avec des durées de détention prolongées et une implication plus forte dans la gestion des sociétés en portefeuille.

Par exemple, Partech Growth illustre cette évolution en combinant financement et accompagnement stratégique sur le long terme. Le fonds a investi dans des scale-ups comme Jellysmack et Sendinblue, en adoptant une logique d’investissement proche du Private Equity, misant sur la rentabilité et la structuration plutôt que sur l’hypercroissance effrénée.

Dans un marché où l’accès au capital est plus sélectif, la capacité à créer de la valeur repose désormais sur des fondamentaux solides plutôt que sur des effets de levier ou des stratégies d’expansion spéculatives.

2025 : Une année de transition, pas de déclin

2025 ne signe pas la fin du capital-investissement, mais celle d’une ère où l’argent facile masquait des modèles fragiles. Ce nouvel environnement impose plus de discipline et d’innovation dans la structuration des deals. Ceux qui sauront s’adapter en misant sur des modèles plus robustes, des stratégies durables et une gestion plus rigoureuse sortiront renforcés.

Moins d’exubérance, plus d’efficience. Moins de spéculation, plus de pragmatisme. Loin d’être une crise, cette transformation ouvre la voie à un écosystème plus mature, où la création de valeur retrouve son sens premier.