Pouvez-vous revenir sur la genèse d’Axeleo Capital, et nous expliquer comment votre parcours vous a conduit, Mathieu Viallard et vous-même, à structurer une activité d’investissement axée sur la deeptech B2B, puis plus récemment sur la Greentech ?
Éric : Axeleo Capital a été fondée en janvier 2017 par Mathieu Viallard et moi-même, suite à nos expériences respectives dans la tech. Mathieu a un background d’investisseur early stage dans le software et dans les deeptech. Après un parcours dans les telcos, le conseil, j’ai co-fondé le 1er accélérateur de startups en France, verticalisé dans le software B2B au sein d’un écosystème d’entrepreneurs.
L’ambition depuis ce jour est de mêler investissement et accompagnement au service de la croissance des startups tech sur des secteurs qui répondent aux enjeux de nos sociétés modernes, toujours sur un angle B2B, notre cœur d’expertise.
Après une spécialisation sur le software B2B avec des focus majeurs sur l’IA et la cybersécurité, nous avons ouvert avec l’arrivée de Marc Lechantre et de Guillaume Sarlat dès 2024 une verticale dédiée aux startups industrielles qui développent des technologies vertes. Notre terrain de jeu aujourd’hui est l’early-stage, en France et en Europe avec une force de frappe de 300M€ sous gestion.
Quel est, selon vous, l’ADN d’Axeleo Capital ? Qu’est-ce qui vous distingue dans votre approche de l’investissement early-stage ?
Éric : L’ADN d’Axeleo Capital repose sur une culture entrepreneuriale très marquée et sur une approche intégrée combinant investissement en capital et accompagnement opérationnel. En tant que premier investisseur institutionnel, nous nous engageons aux côtés des fondateurs pour les aider à structurer leur entreprise, définir leur stratégie de croissance et accéder à un réseau d’experts, d’entrepreneurs et de mentors.
Comment évaluez-vous l’évolution du marché de la Greentech industrielle en Europe, et quelles opportunités identifiez-vous pour les investisseurs en capital-risque dans ce secteur ?
Éric : Le marché de la Greentech industrielle en Europe est en pleine expansion, porté par les enjeux de transition écologique et de souveraineté industrielle. Mais ce secteur est aujourd’hui mal servi en particulier sur ce qui relève de l’accès au capital.
Axeleo Capital identifie des opportunités significatives dans le financement de la première usine des startups innovantes et industrielles, cette étape cruciale souvent sous-financée.
Notre fonds Green Tech Industry I vise à combler ce besoin en soutenant des projets dans les domaines de l’énergie, de la mobilité, de l’agriculture, du recyclage et des nouveaux matériaux.
Vous avez mentionné que vous vous intéressez uniquement aux startups ayant déjà une technologie fonctionnelle. Pouvez-vous expliquer cette approche et comment elle influence votre processus de sélection ?
Éric : Sur cette stratégie Greentech, Axeleo Capital privilégie les startups ayant déjà développé une technologie fonctionnelle, afin de réduire les risques liés à la phase de R&D et de se concentrer sur l’industrialisation et la mise sur le marché là où nous avons de la valeur ajoutée.
L’amont est aujourd’hui largement soutenu que ce soit en termes de réseaux d’incubateurs et de financeurs deeptech.
Notre approche permet d’accompagner des entreprises prêtes à passer à l’échelle, à ce moment critique de projection dans le marché, en leur apportant un soutien financier et opérationnel.
Vous avez annoncé fin 2024 un premier closing à 125 millions d’euros pour votre fonds Greentech Industry I, avec un objectif final de 250 millions. Où en êtes-vous aujourd’hui dans la levée, et quelles sont les prochaines étapes structurantes pour ce véhicule ?
Éric : Le fonds Greentech Industry I a réalisé un premier closing à 125 millions d’euros en novembre 2024, avec le soutien d’investisseurs institutionnels majeurs tels que Bpifrance, le Fonds National de Venture Industriel (FNVI), et le fonds Révolution Environnementale et Solidaire. Axeleo Capital bénéficie par ailleurs du soutien d’un écosystème large de plus de 150 LPs, comprenant majoritairement des entrepreneurs, des institutionnels, ainsi que des acteurs industriels comme Veolia.
Le fundraising se poursuit en 2025, avec le fonds toujours ouvert à de nouveaux LPs. Deux opérations ont déjà été réalisées (Sweetch Energie et Oxyle), et une troisième est en cours de closing. Pour accompagner le développement de la verticale Greentech, nous recherchons des LPs partageant une vision long terme et un engagement fort en faveur de la transition écologique et de l’innovation industrielle, incluant des family offices engagés, des investisseurs institutionnels et des corporates.
Pouvez-vous nous partager deux ou trois exemples récents d’investissements réalisés par Axeleo Capital ? Qu’est-ce qui vous a convaincu de soutenir ces startups, et comment s’inscrivent-elles dans votre thèse d’investissement ?
Éric : Axeleo Capital a investi dans Sweetch Energy, une startup rennaise spécialisée dans le domaine de l’énergie osmotique. Sweetch Energy développe une technologie de membranes issues du CNRS (Lydéric Bocquet), pour produire de l’électricité propre à partir de la rencontre entre l’eau douce et l’eau salée. Cette technologie offre une source d’électricité non seulement décarbonée mais également pilotable, permettant de réduire les risques d’instabilité du réseau électrique que peut causer le déploiement massif des énergies solaires et éoliennes. Notre investissement dans Sweetch Energy s’inscrit parfaitement dans notre thèse d’investissement puisque la société vise à débloquer le potentiel massif de l’énergie osmotique : fournir 15% des besoins mondiaux en électricité. Notre objectif est donc d’accompagner la société dans cette étape clé du scaling industriel.
Un autre exemple notable est notre investissement dans Oxyle, une startup suisse basée à Zurich. Oxyle a mis au point un catalyseur permettant de détruire les PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées) de manière efficace et à faible coût énergétique même sur les chaînes courtes et ultra-courtes. Cette technologie, issue du doctorat des cofondateurs à l’ETH Zurich, répond à un besoin croissant du marché, alors que la régulation européenne et internationale se durcit contre ces composés chimiques persistants. Oxyle se positionne comme une alternative directe aux techniques traditionnelles de charbon actif et d’incinération. Nous accompagnons Oxyle dans sa phase de scale-up industriel afin de l’aider à structurer ses opérations et répondre à une demande industrielle croissante.
Quels sont les montants moyens investis par Axeleo Capital et comment s’articule l’accompagnement post-investissement des entreprises financées ?
Éric : Avec le fonds GTI, Axeleo Capital investit des premiers tickets allant de 3 à 10 M€, pouvant atteindre plus de 20 M€ en plusieurs étapes.
L’accompagnement va se concentrer sur des axes clés comme le bon dimensionnement de l’outil industriel, l’organisation de la supply chain, la structuration du go to market et de la 1ère équipe de vente et plus largement tout ce qui intervient autour du financement, de l’organisation et de la gouvernance de startups industrielles.
Le métier d’investisseur est en pleine transformation : quelles technologies, outils ou méthodes (data analytics, IA, automatisation, etc.) mobilisez-vous aujourd’hui pour améliorer vos processus de sourcing, d’évaluation ou d’accompagnement ?
Éric : Axeleo Capital intègre des outils d’analyse de données et d’automatisation que nous avons développé en complément d’autres outils du marché pour optimiser ses processus de sourcing et d’évaluation des startups. L’utilisation de ces technologies permet d’identifier plus efficacement les opportunités d’investissement et de gagner en productivité comme par exemple sur l’exploration des technologies alternatives ou la propriété intellectuelle.
Cela libère surtout de la ressource pour concentrer du temps plus qualitatif avec les fondateurs sur les phases pré-investissement comme d’accompagnement post-investissement.
De manière générale, ce sont des outils que toute société de gestion moderne doit avoir intégré dans son organisation mais ce n’est pas une fin en soi.
Quels sont vos objectifs à court et moyen terme pour Axeleo Capital, en matière de levées de fonds, de rythme d’investissement ou d’impact sur les filières industrielles stratégiques ?
Éric : À court et moyen terme, Axeleo Capital vise à finaliser la levée de son fonds Green Tech Industry I afin de soutenir davantage de startups industrielles engagées dans la transition écologique.
Nous travaillons également à la préparation de notre 3ème vintage de notre stratégie historique dédiée au software, à l’AI et à la cybersécurité pour un horizon 2026/2027. Nous capitalisons sur le succès des deux premiers vintages, une expertise reconnue et déjà 19 sorties réalisées matérialisant notre capacité à délivrer des retours.
Le momentum actuel en Europe sur le VC est aussi intéressant que challengeant, la combinaison d’une approche de plate-forme autour du même ADN et de thèses bien ciblées mises en oeuvre par des spécialistes nous rend très enthousiastes pour la suite de notre développement.
Avec son fonds Green Tech Industry I, Axeleo Capital ouvre un nouveau chapitre de son histoire en s’attaquant à un défi de taille : combler le vide de financement entre la R&D et l’industrialisation pour les startups développant des technologies vertes. Forte d’un ADN résolument entrepreneurial et d’une approche opérationnelle différenciante, la société de gestion entend contribuer activement à la réindustrialisation écologique de l’Europe.
Alors que le premier closing à 125 millions d’euros marque un cap important, l’aventure ne fait que commencer. Dans un contexte où l’innovation industrielle et la transition environnementale deviennent des priorités stratégiques, Axeleo Capital apparaît comme un partenaire de long terme pour les fondateurs ambitieux et les investisseurs engagés. À suivre de près.