WinEquity : quand la mixité devient un moteur de performance économique

21/10/2025

13 minutes

La mixité dans l’investissement et l’entrepreneuriat est souvent perçue comme un enjeu sociétal. Pourtant, elle constitue également un puissant levier de performance économique. C’est autour de cette conviction que Florence Richardson et Cécile Bassot ont fondé WinEquity, avec la mixité au coeur de leur ADN : financement de start-up innovantes et prometteuses fondées par des équipes mixtes, féminisation de la gouvernance des startups investies et mixité des investisseurs Elles nous expliquent en détail leur vision, leur thèse d’investissement et leurs ambitions.

Florence RICHARDSON & Cécile BASSOT

Co-fondatrices chez WinEquity

Qu’est-ce qui vous a convaincues que la mixité n’était pas seulement une cause sociétale, mais un véritable levier économique justifiant la création d’un fonds dédié tel que WinEquity ?

Florence Richardson : J’ai évolué dans l’investissement depuis plus de quinze ans et j’ai très vite constaté combien le manque de diversité du côté des investisseurs se répercutait sur toute la chaîne : peu de femmes dans les tours de table, peu dans la gouvernance et, en conséquence, trop peu de fondatrices financées. Mon passage à la présidence de Femmes Business Angels a renforcé cette conviction. Les études sont claires : la mixité n’est pas seulement une question sociétale, c’est un facteur de performance et de surperformance pour les entreprises. Avec ma formation scientifique et mon expérience dans les réseaux d’investissement, j’apporte aujourd’hui une lecture rigoureuse des projets, notamment ceux à forte composante technologique, et je veille à ce que cette exigence de mixité soit intégrée jusque dans la gouvernance des start-up que nous accompagnons.

Cécile Bassot : De mon côté, ce sont mes vingt années de direction d’entreprise qui m’ont convaincue. J’ai dirigé une société où se côtoyaient une vingtaine de nationalités et une forte diversité d’âges et de profils. J’ai pu observer à quel point cette complémentarité enrichissait les décisions et renforçait la performance collective. Cette expérience nourrit mon action au sein de Win Equity : proximité avec les dirigeants, compréhension des enjeux managériaux et mobilisation de notre communauté d’investisseurs pour ouvrir des portes et partager leur expertise. Avec Florence, nous associons nos expertises complémentaires, alliant une approche entrepreneuriale et humaine, ainsi que 15 années d’investissement. C’est aussi cette complémentarité qui donne à WinEquity sa singularité et sa différenciation sur le marché.

Quelle est votre thèse d’investissement pour votre premier fonds et comment se traduit-elle dans vos choix et investissements emblématiques ?

Florence Richardson : Notre thèse est simple et exigeante : nous investissons dans des start-up fondées ou cofondées par des équipes mixtes, avec au minimum une femme dans l’équipe dirigeante. Notre portefeuille reflète cette réalité. Nous ciblons des entreprises innovantes, en pré-seed, seed ou série A, qui lèvent en moyenne entre 1 et 3 millions d’euros. Nous intervenons toujours en co-investisseurs, mais avec une exigence : être présents dans la gouvernance. Cela nous permet d’apporter concrètement cette dimension mixité dans les conseils d’administration et d’accompagner les dirigeants dans leur stratégie. Mon parcours d’ingénieure me permet par ailleurs d’évaluer des projets à forte composante technologique, qui constituent l’essentiel de notre portefeuille.

Cécile Bassot : En trois ans, nous avons investi dans neuf sociétés, qui reflètent bien notre positionnement. Outmind, par exemple, développe un moteur de recherche et de knowledge management enrichi par l’IA. Sa fondatrice Grace Mehrabe n’a pas de formation technique, mais elle a su bâtir une entreprise deeptech solide et ambitieuse. Ce qui montre qu’une dirigeante n’a pas besoin d’être scientifique pour porter un projet technologique. À l’inverse, avec VeriQloud, dans le domaine du quantique et de la sécurisation des communications, projet co-investi avec Quantonation, la cofondatrice Elham Kashefi est précisément l’experte scientifique qui co-pilote le projet. Enfin, Healshape illustre notre volonté d’investir dans des solutions à fort impact : l’entreprise développe une technologie de reconstruction mammaire post-cancer, portée par Sophie Brac de la Perrière, une dirigeante charismatique qui s’est associée aux chercheurs à l’origine des brevets.

Ces exemples montrent la diversité des profils féminins que nous soutenons, qu’elles soient expertes scientifiques ou dirigeantes issues d’autres parcours, mais aussi notre conviction que la mixité génère performance et innovation dans tous les secteurs.

Une fois l’investissement réalisé, comment accompagnez-vous concrètement vos startups ?

Florence Richardson : Notre premier engagement est d’être présentes dans la gouvernance. Nous siégeons systématiquement dans les conseils ou comités stratégiques afin d’apporter une vision extérieure, d’aider les fondateurs à prendre du recul et de favoriser des prises de décision rapides et structurées. Cette proximité permet d’accompagner les start-up dans leurs moments clés, qu’il s’agisse de choix stratégiques, de nouvelles levées de fonds, de réorganisation ou de préparation de la liquidité et d’une nouvelle phase de croissance.

Cécile Bassot : Nous complétons cet accompagnement en mobilisant activement notre communauté d’investisseurs. Les start-up de notre portefeuille présentent régulièrement leurs produits et solutions, ce qui génère de nouvelles opportunités commerciales, des mises en relation et un partage d’expertise sectorielle. Nous veillons aussi à soutenir directement les dirigeantes dans leur développement personnel et professionnel grâce à des dispositifs comme le programme Palm. Ce programme, initié par Serena et Ring Capital, a pour objectif de renforcer le leadership féminin au sein des start-up. Il propose du mentorat, du coaching et des ateliers très concrets sur la prise de décision, la gestion des équipes et la valorisation des femmes dans la gouvernance. Chaque année, nous sélectionnons une dirigeante de notre portefeuille pour y participer. Les retours sont extrêmement positifs : les participantes en ressortent avec plus de confiance, une meilleure visibilité et une capacité renforcée à faire grandir leur entreprise.

Quatre ans après vos débuts, quel regard portez-vous sur l’évolution de l’écosystème autour de la mixité ?

Florence Richardson : Ces dernières années, on a observé une réelle prise de conscience, tant du côté public que du côté privé. Sous l’impulsion de SISTA, des études chiffrées ont permis de faire un réel état des lieux. Des chartes ont été mises en place pour favoriser la diversité dans l’entrepreneuriat et dans l’investissement, et certaines lois viennent renforcer la mixité dans les organes de gouvernance. Ces initiatives ont permis de mettre le sujet sur la table et de sensibiliser l’ensemble de l’écosystème. Mais dans les faits, quand on regarde les chiffres, les progrès restent encore limités. Le pourcentage de femmes fondatrices financées, comme celui des femmes investisseuses, en direct ou dans les fonds, n’a pas beaucoup évolué. Cela montre que la dynamique est engagée, mais que le chemin est encore long.

Cécile Bassot : Je partage ce constat, mais il y a tout de même un point d’évolution encourageant : les équipes mixtes sont désormais perçues comme un facteur de performance. Les investisseurs commencent à comprendre que la diversité est un atout économique, et cela se traduit dans les levées de fonds. Une étude SISTA – BCG montre par exemple qu’une femme associée à un homme multiplie par 3,6 ses chances de lever des capitaux, et qu’un homme associé à une femme les multiplie par 1,4. C’est un signal fort : la mixité ne relève plus seulement du discours, elle a un impact concret sur la capacité des start-up à se financer.
Au-delà des chiffres, ce que nous observons dans notre quotidien d’investisseurs, c’est que les entrepreneurs eux-mêmes en sont de plus en plus conscients. Beaucoup nous disent que la présence de femmes dans les tours de table change la manière dont les discussions sont menées. Cela nourrit un cercle vertueux : plus il y aura de diversité dans les investisseurs, plus il y en aura dans les start-up financées.

Vos Limited Partners sont eux aussi des acteurs clés de votre écosystème. Qui sont-ils et quel rôle jouent-ils ?

Cécile Bassot : Nous avons aujourd’hui une centaine d’actionnaires aux profils très variés. Beaucoup sont des entrepreneurs, des dirigeants ou d’anciens chefs d’entreprise qui ont cédé leur société. Leur expérience est précieuse car ils connaissent les réalités de la croissance, les difficultés de management ou encore les enjeux de M&A ou d’internationalisation. Un autre élément important est que près de 60 % de nos investisseurs sont des femmes, ce qui est unique dans l’écosystème. Cela reflète notre volonté de faire de la mixité une réalité à toutes les étapes de la chaîne de valeur, y compris du côté des investisseurs. Nous avons également fait le choix d’ouvrir le fonds à une quarantaine de jeunes de 18 à 30 ans, grâce à un ticket d’entrée réduit. L’objectif est double : les sensibiliser à l’investissement et à l’innovation, mais aussi enrichir notre regard grâce à leur lecture des nouveaux usages. Ils nous apportent un point de vue générationnel précieux, notamment pour comprendre l’adoption des nouvelles technologies ou services.

Florence Richardson : Ce qui distingue notre communauté, c’est qu’elle ne se contente pas d’apporter du capital. Nous les impliquons activement dans la vie du fonds : certains nous aident à analyser des dossiers, d’autres interviennent pour conseiller nos start-up sur des aspects technologiques, réglementaires ou commerciaux. Il arrive également que nos actionnaires ouvrent des portes commerciales auprès de nos participations. Cette mobilisation crée un véritable effet réseau, qui bénéficie directement aux entreprises que nous soutenons. Elle traduit aussi une conviction forte : l’investissement doit être collectif et s’appuyer sur une communauté engagée. C’est cette dynamique, portée par une base d’investisseurs plus mixte que dans la plupart des fonds, qui fait aujourd’hui la force et la singularité de WinEquity.

Le métier d’investisseur évolue rapidement. Quelles technologies ou méthodes utilisez-vous pour optimiser vos processus de sourcing, d’évaluation ou d’accompagnement ?

Florence Richardson : Avec notre Comité d’Investissement, nous restons attachées à une approche très humaine, car au stade early stage, la qualité de l’équipe reste pour nous le critère fondamental. Bien sûr, nous utilisons des outils technologiques (intelligence artificielle, data analytics) qui accélèrent l’analyse des dossiers, la compréhension des marchés ou l’identification de la concurrence. Mais ces outils restent des supports : ce sont les rencontres avec les fondateurs, l’évaluation de la complémentarité des profils et la dynamique d’équipe qui orientent réellement nos décisions.

Cécile Bassot : Nous essayons aussi d’arriver tôt dans la relation avec les entrepreneurs, parfois bien avant leur levée de fonds, afin de créer un lien, de comprendre leur trajectoire et d’observer leur évolution. Cette approche nous permet d’être réactives et efficaces le moment venu. Et notre spécificité sur la mixité joue un rôle clé dès le sourcing : notre exigence d’investir dans des équipes fondatrices mixtes oriente et affine notre dealflow. Cela élimine une partie des dossiers, mais cela nous assure de rester fidèles à notre ADN et d’apporter une valeur différenciante lorsque nous co-investissons. Par ailleurs, la force de notre communauté d’investisseurs nous offre des perspectives différentes et nous permet de challenger les projets avec un regard plus diversifié que dans la plupart des fonds.

Quelles sont vos ambitions à court et moyen terme pour WinEquity ?

Florence Richardson : Nous arrivons à la fin de la période d’investissement de notre premier fonds, avec une dizaine de participations réalisées. La prochaine étape est le lancement d’un nouveau véhicule, que nous préparons déjà. L’idée est de rester fidèles à notre ADN. La mixité sera toujours au cœur de notre stratégie mais avec un positionnement différent : accompagner des start-up capables de devenir de belles PME de croissance, mais confrontées à des difficultés de financement dans le contexte actuel. Nous voulons leur apporter à la fois le capital nécessaire, jusqu’à 5 ou 6 millions d’euros par société, et un accompagnement stratégique et opérationnel pour les repositionner sur une trajectoire de croissance rentable et pérenne.

Cécile Bassot : Ce deuxième fonds vise des entreprises qui se trouvent dans des situations complexes : elles ont parfois contracté des prêts garantis par l’État (PGE), connaissent des tensions de trésorerie ou des problèmes de positionnement managérial, mais elles réalisent du chiffre d’affaires et disposent d’un potentiel réel de transformation et de croissance. L’idée est de leur offrir une « seconde chance », en les sortant de la logique de levées permanentes grâce à un financement suffisant, mais aussi en les épaulant via un accompagnement opérationnel et une gouvernance agile et experte. Cette nouvelle offre répond à un besoin très présent dans l’écosystème et s’inscrit dans la continuité de notre approche différenciante : conjuguer performance économique et mixité, non seulement au sein des start-up que nous soutenons, mais aussi parmi nos futurs investisseurs. Nous avons été pionnières en 2019 en créant le premier fonds d’amorçage dédié à la mixité ; nous voulons rester pionnières en proposant aujourd’hui une réponse innovante à un marché en mutation.

En quatre ans, WinEquity a démontré que la mixité est un moteur de performance économique et d’innovation. Avec une communauté d’investisseurs unique et une forte implication dans la gouvernance de ses participations, le fonds a su se distinguer dans l’écosystème. Le lancement de son deuxième véhicule, dédié aux entreprises en quête de rentabilité et de transformation, confirme l’ambition de Florence Richardson et Cécile Bassot : rester pionnières et prouver que diversité et performance vont de pair pour bâtir les entreprises de demain.