27/10/2025
12 minutes
Créée il y a sept ans, Neumann s’impose comme une banque d’affaires singulière dans l’écosystème tech et digital. À la croisée du conseil stratégique, de la finance et de la compréhension fine des enjeux entrepreneuriaux, Neumann se distingue par une approche “data native” et un accompagnement sur le long terme de ses clients. Dans cet entretien, Sacha DOLINER, Founder & Managing Partner, revient sur la genèse de Neumann, sa méthode d’accompagnement, sa vision de la data comme levier stratégique et ses ambitions à l’international.
Sacha DOLINER
Founder & Managing Partner chez Neumann
Sacha : Je viens du monde de l’entrepreneuriat. Pendant plus de vingt ans, j’ai évolué dans l’écosystème de la tech et du digital, au sein de différentes aventures entrepreneuriales (MyPix/Pixmania, Axiatel). Cette expérience m’a amené à côtoyer le monde de la finance sous plusieurs angles — en levant des fonds, en rachetant ou en cédant des sociétés — et à observer de l’intérieur les limites de l’approche classique des banques d’affaires.
J’ai toujours trouvé ces structures très pointues sur le plan technique, mais souvent éloignées de la réalité des entrepreneurs. Dans le secteur technologique, tout évolue vite : les modèles économiques, les paradigmes, les comportements des clients. Ce contexte crée une grande complexité, et parfois une certaine solitude chez les fondateurs, confrontés à des décisions stratégiques dans un environnement en perpétuelle mutation.
C’est cette observation qui a été le point de départ de Neumann : il manquait un acteur capable d’articuler la sophistication financière avec une vraie compréhension du business, du produit et de la vision de l’entrepreneur. Nous voulions créer un pont entre la technique financière et l’intelligence stratégique.
Valoriser une entreprise tech ne se résume pas à appliquer des multiples. Il faut savoir identifier les actifs intangibles, les éléments de croissance, les synergies potentielles et, surtout, comprendre qui est l’acquéreur final. Une société peut être rentable mais limitée dans son potentiel stratégique, ou au contraire, encore déficitaire mais détenir une valeur considérable pour un acteur qui saura l’intégrer dans une logique globale.
C’est cette approche, inspirée de mon vécu d’entrepreneur, qui structure notre vision : comprendre les enjeux réels du fondateur, les dynamiques de son marché et les leviers de création de valeur à long terme.
Sacha : Nous sommes aujourd’hui une vingtaine de collaborateurs. Tous sont des experts de la finance, la modélisation et les aspects techniques de notre métier, mais cela ne suffit pas. Ce qui fonde réellement notre différence, ce sont les qualités humaines et la compréhension stratégique du business.
Nous recrutons des profils variés : certains viennent de la banque d’affaires traditionnelle, d’autres ont été entrepreneurs, investisseurs ou ont travaillé en entreprise, au cœur de l’opérationnel. Cette diversité est primordiale, car elle nous permet de parler la même langue que nos clients, de comprendre leurs défis quotidiens et de les accompagner dans leurs décisions stratégiques.
Nous accordons une grande importance aux soft skills : la curiosité, l’écoute, la capacité à analyser un environnement complexe et à décoder les signaux faibles d’un marché. Un bon financier ne suffit pas s’il ne comprend pas la logique entrepreneuriale qui sous-tend un projet.
Chez Neumann, nous cherchons des personnalités capables d’allier rigueur analytique, sens du business et agilité intellectuelle. C’est cette combinaison qui fonde notre culture d’équipe et notre efficacité collective.
Sacha : Nous faisons, à la différence de beaucoup d’acteurs déjà installés, du sur-mesure. Il n’existe pas, chez Neumann, de méthodologie standard. Chaque entreprise a son histoire, son rythme, ses contraintes et ses ambitions.
Nous accompagnons principalement des sociétés dont la valeur d’entreprise se situe entre 10 et 100 millions d’euros, dans le cadre de levées de fonds, de LBO, d’opérations de M&A ou de conseil stratégique. Ce qui détermine notre approche, c’est avant tout la nature du business. Les enjeux ne sont pas les mêmes tout comme la connaissance des logiques de marché selon le type d’entrepreneurs. Par exemple, une société deeptech n’aura pas les mêmes besoins qu’une entreprise e-commerce.
Nous commençons toujours par comprendre en profondeur la problématique de notre client : son modèle économique, son environnement concurrentiel, son positionnement technologique, mais aussi sa culture interne. C’est cette compréhension globale qui nous permet de bâtir une stratégie adaptée et d’identifier les bons interlocuteurs financiers ou industriels.
Sacha : Nous croyons profondément à la valeur du temps long. Dans notre métier, il est fréquent que les relations entre une banque d’affaires et une entreprise soient limitées à une opération : une levée de fonds, une vente, une acquisition. Chez Neumann, nous avons voulu prendre le contrepied de cette logique transactionnelle pour bâtir de véritables relations de partenariat.
Pour bien conseiller une entreprise, il faut la connaître en profondeur : comprendre son produit, sa culture, son organisation, ses enjeux humains, patrimoniaux, et stratégiques. Cette compréhension ne peut pas se construire en quelques semaines. Nous passons donc beaucoup de temps aux côtés de nos clients, bien avant qu’une opération ne soit envisagée, et souvent bien après qu’elle ait été conclue.
Cette approche nous permet d’anticiper les moments clés de leur développement et d’inscrire leur stratégie de M&A ou de levée de fonds dans la continuité naturelle de leur stratégie business. Nous ne sommes pas là uniquement pour exécuter, mais pour co-construire et épauler dans la durée, une trajectoire de croissance cohérente, durable et alignés avec l’intérêt des dirigeants et leurs actionnaires.
Au fond, notre ambition est de devenir un partenaire de confiance sur plusieurs années, capable d’aider l’entrepreneur à écrire son histoire et à faire de chaque opération une étape dans un projet plus vaste. C’est cette fidélité et cette vision à long terme qui font, selon moi, toute la différence de Neumann par rapport à d’autres acteurs de la place.
Sacha : Pour nous, être “data native” signifie que la donnée n’est pas un simple outil, mais une véritable colonne vertébrale de notre organisation. Nous avons construit Neumann avec la conviction que la donnée pouvait transformer la manière dont une banque d’affaires analyse, recommande et exécute les mandats qu’elle reçoit.
Concrètement, cela veut dire que tout ce qui peut être automatisé l’est. Nous utilisons des outils pour agréger, relier et croiser en continu des sources multiples : données publiques, informations de marché, bases internes enrichies, mais aussi informations qualitatives issues du terrain et de notre réseau. Ce maillage nous permet d’avoir une vision extrêmement fine et dynamique des acteurs, des transactions et des tendances sectorielles.
Mais être “data native”, ce n’est pas seulement collecter des chiffres. C’est aussi comprendre que la donnée humaine — celle qui émane d’une discussion, d’une intuition ou d’un échange avec un dirigeant — a autant de valeur que les indicateurs financiers. Très souvent, une opportunité naît d’une information non encore formalisée : un grand groupe qui envisage une acquisition, une startup qui s’apprête à pivoter, une stratégie qui se redessine.
Notre rôle est de capter les signaux faibles, de les structurer et de les confronter à la donnée objective pour construire une analyse éclairée du marché. C’est cette combinaison entre intelligence artificielle, rigueur méthodique et compréhension humaine qui fait de Neumann un acteur “data native”.
Sacha : La donnée, lorsqu’elle est bien exploitée, devient un puissant outil d’aide à la décision stratégique. Chez Neumann, nous l’utilisons à chaque étape du processus : depuis la compréhension du business model jusqu’à la valorisation et la négociation finale.
Notre objectif est de rendre un business plan crédible et intelligible pour des investisseurs ou des acquéreurs. Cela passe par une analyse extrêmement granulaire des hypothèses formulées par l’entreprise : la faisabilité du recrutement, la taille réelle du marché, la structure de coûts, la cohérence de la trajectoire de croissance, etc. Nous ne nous contentons pas d’agréger des chiffres, nous les confrontons au monde réel.
La donnée sert aussi à contextualiser chaque dossier dans son environnement d’investissement. Nous connaissons, par exemple, quels fonds recherchent quels types d’entreprises, quels tickets d’investissement ils déploient, à quel stade de leur cycle ils se trouvent, ou encore quels secteurs sont stratégiquement prioritaires pour eux. Ce niveau de précision nous permet d’adresser la bonne opportunité, au bon moment, au bon interlocuteur.
Mais la valeur ne réside pas seulement dans la donnée brute : elle se crée dans sa lecture dynamique. Le marché évolue vite, les thèses d’investissement changent, et le momentum compte énormément. Une information valable aujourd’hui peut perdre toute sa pertinence trois mois plus tard. Notre rôle est donc de capter cet “esprit du temps”, d’anticiper les mouvements du marché et d’en faire un avantage concret pour les entreprises que nous accompagnons.
En résumé, la donnée n’est pas pour nous une fin en soi : c’est un outil vivant qui nourrit notre analyse stratégique et renforce la crédibilité de nos recommandations. Elle permet de bâtir des opérations plus justes, plus cohérentes et, au final, plus créatrices de valeur.
Sacha : Ce ne sont pas forcément des erreurs, mais plutôt des difficultés d’interprétation du futur. Investir dans la tech, c’est par nature parier sur l’avenir, sur une technologie dont l’impact réel n’est pas encore mesurable. Beaucoup d’investisseurs, notamment en capital-risque, n’ont pas toutes les clés de déchiffrement pour anticiper comment un produit ou une innovation s’intégrera dans un environnement industriel ou stratégique.
Trop souvent certaines analyses restent centrées sur des indicateurs financiers immédiats, sans toujours mesurer la valeur stratégique que cette technologie peut représenter pour un acquéreur à long terme. Ce déficit d’information conduit parfois à des survalorisations, ou au contraire, à passer à côté de dossiers à très haut potentiel parce qu’ils ne semblent pas, à première vue, assez « sexy ».
Cette difficulté vient aussi d’un manque de connexion entre les investisseurs et les grands groupes — ceux qui, in fine, rachètent les startups. Chez Neumann, nous essayons justement de construire ce pont entre le monde de l’investissement et celui des industriels, afin de replacer chaque entreprise dans une perspective stratégique claire.
Sacha : Oui, bien sûr. Nous avons récemment accompagné la cession d’une entreprise spécialisée dans l’intelligence artificielle. Ce n’est pas tant le fait que la société opérait dans ce domaine qui est intéressant, mais plutôt la manière dont nous avons utilisé la donnée et les outils d’IA pour mener à bien l’opération.
Traditionnellement, lorsqu’on prépare une vente, on identifie entre une trentaine et une centaine de potentiels acquéreurs selon des critères objectifs classiques : positionnement, taille, secteur, stratégie. Dans ce cas précis, nous avons voulu aller beaucoup plus loin. Nous avons utilisé nos outils d’analyse de données et d’intelligence artificielle conçus en interne pour élargir le champ des possibles à plusieurs centaines d’acteurs dans le monde, en cherchant les meilleurs « matchs » stratégiques possibles.
Grâce à cette approche, nous avons identifié un acquéreur américain basé dans le Colorado — totalement en dehors des radars habituels du marché européen — pour qui la solution proposée par nos clients représentait un levier stratégique essentiel. Cette opération illustre bien la valeur ajoutée de notre approche : la donnée et l’IA nous permettent d’aller au-delà des évidences, d’élargir la perspective et d’ouvrir la voie à des transactions à très forte cohérence stratégique.
Sacha : À court terme, notre priorité est clairement le développement international. Nous réalisons déjà plus de 50 % de nos opérations à l’international, et cette part ne cesse d’augmenter. Pour accompagner cette dynamique, nous avons récemment ouvert deux bureaux : l’un à Montréal et l’autre à Miami. Ces implantations nous permettent d’être au plus près des acteurs nord-américains, de mieux comprendre leurs logiques de marché et d’offrir à nos clients européens un accompagnement réellement global.
Ce développement a un double objectif. D’abord, mieux servir nos clients en leur ouvrant l’accès à des investisseurs ou acquéreurs internationaux. Ensuite, renforcer notre propre écosystème sur place : construire des partenariats, tisser des liens locaux et être présents au cœur des tendances émergentes des deux côtés de l’Atlantique. Le marché nord-américain reste aujourd’hui un laboratoire d’innovation et de consolidation, et il était essentiel pour nous d’y être présents.
À moyen terme, nous voulons continuer à évoluer vers des opérations de plus grande envergure et à la croisée des mondes du capital-risque et du private equity. Ces deux univers convergent de plus en plus : les fonds de VC cherchent désormais davantage de rentabilité, tandis que les fonds de private equity s’ouvrent aux entreprises technologiques porteuses de croissance.
Chez Neumann, nous croyons beaucoup à cette convergence, et notre ambition est de devenir un acteur de référence sur cette ligne de partage, capable d’accompagner les entreprises innovantes à chaque étape de leur trajectoire, du financement à l’exit des dirigeants.
Neumann incarne une nouvelle génération de banques d’affaires : en étant plus proche des entrepreneurs, ancrée dans la data mais guidée par la compréhension humaine. En combinant rigueur financière, intelligence stratégique et approche sur le long terme, Sacha et son équipe redéfinissent la manière dont les entreprises innovantes sont accompagnées dans leurs trajectoires de croissance.