Graines de Boss Capital : quand le financement s’allie à l’accompagnement commercial

20/10/2025

14 minutes

Depuis près de vingt ans, le concours Graines de Boss repère et accompagne des startups prometteuses grâce à un réseau de mentors composé de plus de 1600 cadres dirigeants issus des plus grandes entreprises européennes et mondiales. En 2021, une nouvelle étape a été franchie avec la création de Graines de Boss Capital, un fonds d’investissement « deal by deal » qui vient compléter la plateforme historique. Entretien avec Ivan DE PONTEVES, Co-founder & Managing Partner, qui revient sur l’ADN du fonds, sa thèse d’investissement et ses ambitions pour les années à venir.

Ivan DE PONTEVÈS

Co-founder & Managing Partner chez Graines de Boss Capital

Qu’est-ce qui a motivé la création de Graines de Boss Capital en complément du concours entrepreneurial historique ?

Ivan : J’ai été lauréat du concours Graines de Boss en 2017 avec ma startup Andjaro, que j’avais co-créée en 2015. L’expérience a été décisive : au-delà de la visibilité, Graines de Boss m’a apporté des contrats commerciaux très concrets avec de grands groupes comme ISS dans le secteur du nettoyage. J’ai alors constaté un phénomène récurrent : beaucoup de dirigeants ou de cadres qui nous soutenaient, auraient aimé aller plus loin en investissant financièrement. Cependant, les tickets de 5 000 à 10 000 euros qu’ils proposaient n’entraient pas dans le cadre traditionnel des levées de fonds. Les fonds institutionnels ne pouvaient pas “s’embarrasser” de telles participations. J’ai trouvé cela dommage car nous tournions le dos à une vraie envie d’implication de la part de nos clients potentiels.

Lorsque nous avons cédé Andjaro à SILAE en 2023, lui-même détenu par le groupe américain Silver Lake, j’ai aussitôt proposé à Fabrice Delon, fondateur du concours au track record exceptionnel, de compléter son dispositif avec cette brique manquante : un fonds d’investissement « deal by deal ». L’idée était simple : renforcer l’attractivité de Graines de Boss auprès des startups grâce à une proposition de financement complémentaire, mais aussi répondre à la frustration du réseau de dirigeants en leur offrant la possibilité de devenir actionnaires et de participer ainsi à ces aventures entrepreneuriales.

Ce qui rend le modèle unique, c’est le double alignement : d’une part le financement, d’autre part un accompagnement commercial actif. Nos actionnaires ne cherchent pas à s’immiscer dans la gestion quotidienne mais à ouvrir des portes. L’exemple de GreendOz illustre bien cette approche. GreendOz est une startup qui “réinvente la consommation de légumes” en enrichissant les produits alimentaires de farines de légumes ou de légumineuses pour rendre l’alimentation plus saine et plus accessible. Nous les avons financés et mis en relation avec des acteurs incontournables du marché tels que Carrefour et Metro. Grâce à ces mises en relation, ils ont pu bénéficier d’une visibilité forte en magasin et d’un saut de référencement significatif. Ce double alignement, capital et ouverture commerciale, est au cœur de notre ADN.

Quelle est aujourd’hui votre thèse d’investissement ?

Ivan : Nous investissons uniquement dans des startups finalistes ou lauréates du concours Graines de Boss, ce qui nous assure un dealflow déjà filtré et de grande qualité. Ces entreprises ont été confrontées à l’avis de plus de nombreux cadres dirigeants, un processus qui valide leur pertinence avant même notre entrée.

Nous privilégions des sociétés innovantes, capables d’apporter une véritable rupture sur leur marché et dont la proposition de valeur est déjà validée avec succès par des premiers clients. Un chiffre d’affaires récurrent d’environ 30 000 euros par mois minimum constitue pour nous un indicateur clé, car il démontre l’adoption et réduit considérablement le risque.

Nous restons agnostiques sur les secteurs : si la tech et l’IA représentent une part importante des dossiers, nous accompagnons aussi des projets en agroalimentaire, en industrie ou en bio-industrie, comme GreendOz ou Neptune Elements. Ce qui compte, c’est la solidité du modèle, la capacité de l’équipe à exécuter rapidement et évidemment la profondeur de son marché.

Nos tickets d’investissement se situent entre 500 000 et 1 million d’euros, avec la possibilité d’aller plus haut lorsque le projet le justifie – par exemple 1,3 million pour Delicity. Enfin, chaque opération est présentée à notre partenaire Side Angels, ce qui renforce nos standards en matière de valorisation, de gouvernance et de structuration des tours. Cette mécanique hybride nous permet de sécuriser les financements tout en offrant aux startups un accompagnement stratégique complet.

Pouvez-vous partager quelques investissements emblématiques qui illustrent votre approche ?

Ivan : Plusieurs participations récentes traduisent parfaitement notre manière de sélectionner et d’accompagner les startups.

Le premier exemple est Neptune Elements , une société bretonne spécialisée dans la récolte d’algues en haute mer grâce à une technologie brevetée, en vue de leur transformation pour la bio industrie (fertilisants, bio plastiques biodégradables, solutions de packaging durable,…). Au-delà de l’innovation environnementale, c’est aussi une entreprise à fort ancrage territorial, qui a su impliquer les pêcheurs locaux dans son modèle. Nous avons investi près de 600 000 euros et les accompagnons aujourd’hui dans une levée de 3 millions pour construire une usine de transformation.

Autre cas emblématique : Artifeel , qui utilise l’intelligence artificielle pour détecter des vibrations anormales dans les infrastructures. Leur technologie s’applique à de nombreux secteurs : réseaux de fibre optique, canalisations de gaz, armement, sécurité des bâtiments. L’entreprise fournit déjà des acteurs comme Orange ou British Telecom. Elle est dirigée par un polytechnicien expérimenté plein d’énergie, doté d’une équipe solide et d’une croissance exponentielle, multipliée presque par six chaque année.

Autre exemple, je citerais Upclaim , qui a développé une solution unique connectée aux systèmes de suivi des vols aériens. Lorsqu’un retard est constaté, la plateforme automatise immédiatement le processus d’indemnisation, en partenariat avec les agences de voyage. Pour le passager, tout est pris en charge sans aucune démarche. Ce positionnement B2B, allié à une technologie robuste, leur offre un avantage compétitif majeur.

Ces trois exemples montrent la diversité de notre portefeuille : un projet à impact environnemental, une deeptech industrielle et une plateforme SaaS B2B. Leur point commun est clair : ce sont des lauréats du concours Graines de Boss, portés par une équipe crédible, une traction solide et une capacité d’exécution rapide.

Au-delà de l’investissement financier, comment accompagnez-vous concrètement les startups de votre portefeuille ?

Ivan : L’accompagnement est au cœur de notre démarche. Nous ne voulons pas être seulement un financeur, mais un véritable partenaire de développement. Concrètement, cela passe d’abord par l’ouverture de notre réseau : dès qu’une startup entre dans notre portefeuille, nous cherchons à la mettre en relation avec des clients potentiels.

Nous avons une méthode simple mais efficace : nous proposons généralement à des membres ciblés de notre réseau de dirigeants et mentors d’évaluer la startup sur notre plateforme, comme s’ils faisaient partie du jury. Cela change totalement la dynamique : au lieu d’un démarchage commercial classique, l’interlocuteur prend connaissance du projet en tant qu’évaluateur. Et très souvent, cela débouche sur une discussion sérieuse et sur des opportunités business concrètes.

Cet accompagnement est permanent. Nous restons attentifs aux signaux du marché et, dès qu’un contact pertinent peut être utile à une startup de notre portefeuille, nous faisons l’introduction. C’est notamment Fabrice Delon, fondateur du concours, qui pilote cette mission d’accompagnement commercial au quotidien.

L’objectif est clair : accélérer l’accès au marché et transformer l’investissement financier en véritable levier de croissance. Pour nous, c’est une différence majeure par rapport à beaucoup d’autres fonds, qui se limitent à un rôle de financeur ou de conseil stratégique.

Lorsque j’étais encore start-uppeur, j’ai croisé un actionnaire qui ne cessait de se gargariser à nos boards avec la formule « cash is king ». Je préfère nettement le mantra de mon associé Fabrice Delon : « Les financements c’est très bien mais des clients c’est mieux » .

Votre ADN repose sur l’évaluation des startups par plus de 1600 cadres dirigeants issus des plus grandes entreprises européennes et mondiales. En quoi ce réseau et votre méthodologie de scoring vous différencient-ils des autres fonds early stage ?

Ivan : La grande différence, c’est que nous ne commençons pas par les chiffres. Là où la plupart des fonds analysent d’abord la valorisation, le business plan et les métriques financières, nous faisons passer la confrontation au marché en priorité. Dès qu’un dossier nous parvient, nous le soumettons à notre réseau de dirigeants, tous experts dans leur secteur, pour recueillir un premier retour. Cela nous donne immédiatement une idée de la pertinence du projet et de sa valeur perçue par des acteurs du terrain.

Cette approche s’illustre bien avec des dossiers comme Limova, une startup développant un agent conversationnel IA pour les TPE. Plutôt que de juger sur le papier, nous avons confié la solution à des dirigeants de PME. Certains l’ont trouvée très efficace, d’autres ont pointé des limites. Ces retours directs sont essentiels, car ils reflètent la réalité du marché et nous permettent de prendre des décisions fondées sur des preuves d’usage.

À cela s’ajoute notre format récurrent : toutes les six semaines, nous organisons une soirée de pitchs au Medef. Six startups viennent présenter leur projet devant environ 250 dirigeants. Grâce à un système de QR code, le public indique s’il est intéressé pour devenir client ou même investir. Le feedback est immédiat, concret et parfois plus révélateur que n’importe quelle étude de marché.

L’alliance d’un réseau de 1600 cadres, chefs d’entreprises et investisseurs, d’un scoring basé sur leurs retours et de rencontres régulières fait de Graines de Boss Capital un fonds ancré dans la réalité du marché, là où beaucoup de fonds se contentent d’une grille de lecture strictement financière.

Les partenariats avec les CCI et les relais régionaux montrent une volonté de maillage territorial. Comment intégrez-vous cette proximité avec les écosystèmes locaux dans votre stratégie d’investissement ?

Ivan : Nous travaillons avec de grands groupes comme Veolia ou GRT Gaz qui disposent d’une licence du concours Graines de Boss pour organiser la détection de startups sur l’ensemble du territoire. Ces initiatives, souvent soutenues par les CCI et les collectivités locales, permettent de repérer des projets prometteurs dans les écosystèmes régionaux, parfois éloignés des grands pôles parisiens.

Les finalistes de ces concours territoriaux sont ensuite invités à la remise nationale au MEDEF, ce qui leur donne une visibilité renforcée auprès de l’ensemble du réseau. Si ces startups sont en recherche de capitaux et que leur profil correspond à notre thèse d’investissement, nous pouvons alors envisager de les accompagner en investissant chez elles. Ces partenariats constituent un canal précieux pour diversifier et enrichir notre dealflow.

Ce maillage territorial nous permet ainsi de garder un lien étroit avec les initiatives locales tout en intégrant les projets les plus solides dans notre processus de sélection et d’investissement.

Vous avez récemment communiqué autour de nouvelles éditions du concours et de nouveaux lauréats. Quel rôle joue encore le concours dans votre dealflow et votre capacité à identifier des pépites ?

Ivan : Le concours garde une importance stratégique car il met en avant des startups à un moment clé de leur développement. Pour ces jeunes entreprises, c’est une occasion unique de se faire connaître, de tester leur proposition de valeur et d’obtenir des retours concrets.

Pour nous, il s’agit d’un excellent outil de sourcing. Les finalistes et lauréats sortent déjà d’un processus exigeant qui permet de distinguer les projets les plus solides. Cela ne signifie pas que toutes ces startups deviendront des cibles d’investissement, mais celles qui recherchent des fonds et qui répondent à nos critères peuvent alors entrer dans notre radar.

En pratique, le concours fonctionne comme une rampe de lancement : il apporte visibilité, crédibilité et premières connexions commerciales aux entrepreneurs. De notre côté, il enrichit notre dealflow avec des profils déjà validés et souvent plus avancés dans leur structuration.

Pouvez-vous nous parler de vos Limited Partners ?

Ivan : Nos investisseurs se répartissent en deux grands cercles. Le premier est constitué de dirigeants, cadres et entrepreneurs issus du réseau historique de Graines de Boss. Beaucoup découvrent l’investissement dans les startups à travers nous et apprécient de pouvoir rencontrer directement les fondateurs. Leurs tickets sont généralement compris entre 5 000 et 15 000 euros, et certains reviennent régulièrement sur plusieurs projets.

Le second cercle provient de notre partenariat avec Side Capital. Ce réseau rassemble des business angels plus aguerris, habitués à analyser de nombreux dossiers chaque mois. Ils investissent des montants plus conséquents, en moyenne autour de 20 000 euros, parfois 30 000 ou 50 000 euros.

Cette complémentarité est essentielle. Elle nous permet de fédérer des profils différents : d’un côté des cadres et dirigeants qui s’impliquent par intérêt pour l’innovation, de l’autre des investisseurs expérimentés qui apportent de la puissance financière. Ensemble, ils assurent une profondeur de financement qui bénéficie directement aux startups de notre portefeuille.

Quelles sont vos ambitions à court et moyen terme pour Graines de Boss Capital ?

Ivan : En deux ans, nous avons déjà accompagné douze startups. À court terme, notre objectif est d’augmenter la cadence et de financer une dizaine de projets chaque année, soit environ un investissement par mois, tout en conservant notre exigence de qualité. Nous préférons rester sélectifs et n’accompagner que des dossiers solides, plutôt que d’augmenter artificiellement le volume.

À moyen terme, nous souhaitons renforcer notre positionnement sur ce modèle hybride qui combine financement et accompagnement commercial. C’est ce qui nous différencie le plus et ce qui répond le mieux aux attentes actuelles des entrepreneurs.

Nous réfléchissons également à une ouverture plus internationale. Le concours Graines de Boss est déjà présent en Espagne et en Belgique, et nous voyons dans cette dynamique l’opportunité d’élargir notre sourcing et d’accompagner des startups au-delà des frontières françaises.

Enfin, nous travaillons sur l’évolution de notre véhicule d’investissement afin de pouvoir soutenir des tickets plus importants à mesure que les sociétés de notre portefeuille grandissent. L’idée est de rester un partenaire de long terme, capable d’accompagner les startups de leurs premiers succès commerciaux jusqu’à leur phase de scale-up.

En moins de trois ans, Graines de Boss Capital s’est imposé comme un acteur distinctif du capital-risque early stage. Sa force ne réside pas seulement dans l’apport de capitaux, mais dans un accompagnement concret qui ouvre des marchés et accélère la croissance des jeunes pousses. En combinant un sourcing unique issu du concours, une méthodologie d’évaluation ancrée dans le réel et une dynamique internationale en construction, le fonds affirme une approche différenciante et ambitieuse dans l’écosystème. Plus qu’un investisseur, Graines de Boss Capital se positionne comme un véritable catalyseur de réussite pour les startups qui veulent grandir vite et fort.