Investir pour la planète : comment Starquest s’impose comme pure player du climat, des ressources et du vivant

25/11/2025

15 minutes

Depuis 17 ans, Starquest s’impose comme un acteur singulier dans le paysage du capital-investissement français. Fondé avec une conviction forte — prouver qu’il est possible de concilier performance financière et impact environnemental — le fonds s’est construit autour d’une approche industrielle, technologique et profondément humaine. Emmanuel Gaudé, Founding Partner & Managing Director, revient sur la genèse du projet, ses évolutions, et la vision qui guide aujourd’hui Starquest dans son ambition de rester un « pure player » de l’impact.

Emmanuel GAUDÉ

Founding Partner & Managing Director chez Starquest

Pourquoi avoir créé Starquest ? Quelle était la vision initiale ?

Emmanuel GAUDÉ : Starquest a été fondé il y a 17 ans avec une idée simple mais ambitieuse : financer la technologie tout en œuvrant pour le bien de la planète. À l’époque, le terme « impact » n’existait pas encore dans le langage des investisseurs, mais la mission était déjà claire : démontrer qu’il était possible de générer un rendement financier tout en produisant un bénéfice extra-financier tangible.

Notre conviction était que la technologie pouvait être un levier d’acceptation du changement. Les innovations permettent souvent de modifier durablement les comportements. Nous avons donc orienté nos premiers investissements vers deux grands axes : le climat et la préservation des ressources. D’un côté, les entreprises produisant de l’énergie propre, renouvelable ou stockable ; de l’autre, celles engagées dans le non-gaspillage, la décarbonation, la valorisation ou recyclage des déchets.

Après dix ans, nous avons élargi notre champ d’action. Réduire les émissions de CO₂ ne suffisait plus : il fallait aussi agir pour le vivant. C’est ainsi que nous avons intégré à notre thèse la prévention des catastrophes naturelles et la biodiversité, en lien notamment avec la Caisse Centrale de Réassurance (CCR), les assureurs et les mutuelles. Aujourd’hui, nous gérons près de 700 millions d’euros autour de trois grands piliers : le climat, les ressources et le vivant.

Nos tickets d’investissement s’étendent de 1 million d’euros, pour les sociétés en phase d’amorçage, jusqu’à 15 à 20 millions pour des opérations de croissance ou de buy-out. Starquest a la particularité d’être un fonds multistage : nous intervenons du seed au buy-out au sein d’un même fonds, ce qui est assez rare sur le marché, mais essentiel quand on pense “filière”.

Qu’est-ce qui distingue l’ADN de Starquest sur le marché ?

Emmanuel GAUDÉ : Nos valeurs reposent sur une double exigence : rester proches de l’industrie et des territoires, tout en préservant la souveraineté économique européenne. Starquest finance la technologie et l’industrie avec une approche pragmatique et ancrée localement.

Nous avons également développé une méthodologie propre centrée sur la personnalité des dirigeants. Dès l’origine, nous avons compris que la réussite d’un projet dépendait avant tout des femmes et des hommes qui le portent. Nous avons donc élaboré une grille d’analyse d’une douzaine de critères (leadership, écoute, sens du temps, fiabilité, etc.) en nous entourant d’experts, d’anciens militaires ou de psychologues. Notre objectif : identifier non pas un profil idéal, mais un partenaire conscient de ses forces et de ses limites, capable de franchir les étapes de croissance avec lucidité et discernement.

Chez nous, l’humain passe avant l’Excel. Cette philosophie se traduit aussi dans l’accompagnement : du coaching, des outils de structuration et une présence constante au conseil stratégique, sans jamais être intrusifs.

Le rapprochement avec Montefiore Investment a marqué une étape importante. Qu’est-ce que cela a changé ?

Emmanuel GAUDÉ : En 2021, nous gérions environ 150 millions d’euros et nous avons pris conscience que nous étions devenus trop petits pour faire face à la complexité croissante du métier, notamment en matière de conformité et de reporting. Le marché du private equity s’est structuré entre d’un côté les très grandes plateformes multi-stratégies, et de l’autre, les spécialistes de niche, mais à une échelle désormais bien supérieure à la nôtre. Il nous fallait donc un partenaire capable de nous faire franchir une étape.

Le choix de Montefiore s’est imposé naturellement. Mon associé Arnaud Delattre connaissait Éric Bismuth, et nous savions que Montefiore bénéficiait d’une notoriété exceptionnelle, d’une performance reconnue depuis des années et d’une forte crédibilité sur le segment des small et mid caps. Pour nous, c’était un gage de visibilité et de solidité. De leur côté, ils souhaitaient renforcer leur expertise sur les sujets de décarbonation, un axe encore nouveau pour eux, et ont trouvé chez nous un savoir-faire complémentaire à leur expérience de la digitalisation des entreprises.

Ce rapprochement a donc été un véritable partenariat gagnant-gagnant : Montefiore a apporté à Starquest des moyens accrus, une puissance de marque et un appui structurel, tandis que nous leur avons offert une expertise unique sur l’investissement à impact environnemental. Depuis leur entrée au capital, d’abord minoritaire en 2021 puis majoritaire en 2023, la collaboration s’est déroulée de manière très fluide, avec une grande confiance mutuelle et une vision partagée du développement à long terme.

Pouvez-vous citer quelques exemples d’entreprises emblématiques de votre portefeuille et expliquer pourquoi vous avez choisi de les accompagner ?

Emmanuel GAUDÉ : Un exemple particulièrement représentatif de notre approche est celui de Waga Energy . Nous y sommes entrés en 2015, à un moment où la société n’était encore qu’un spin-off d’Air Liquide, sans chiffre d’affaires, mais avec une technologie prometteuse. L’entreprise a développé un procédé unique de purification du méthane issu des décharges pour le transformer en biométhane injectable dans le réseau. C’est typiquement le genre de projet dans lequel peu d’acteurs acceptent de s’engager à ses débuts, mais où nous avons vu un potentiel d’impact considérable. Nous les avons accompagnés de la phase d’amorçage jusqu’à leur introduction en bourse en 2021, puis jusqu’à leur rachat récent par le fonds suédois EQT. C’est un exemple emblématique de ce que nous faisons : prendre des risques tôt, soutenir la structuration, la croissance internationale et la création de valeur sur le long terme.

Un deuxième exemple est SOS Accessoire , devenu aujourd’hui Ecoparts. Cette société propose des pièces détachées pour l’électroménager afin d’allonger la durée de vie des appareils. L’idée est simple mais très puissante : permettre à chacun de réparer plutôt que de jeter (ce qui est faisable dans 80% des cas). Lorsque nous sommes entrés à leur capital en 2015, ils réalisaient quelques centaines de milliers d’euros de chiffre d’affaires ; aujourd’hui, ils dépassent les 120 millions d’euros et sont devenus le leader européen du secteur en BtoC et n°2 en BtoB. Nous avons participé à plusieurs opérations de croissance externe et restons leur premier actionnaire financier après les fondateurs. Leur modèle incarne parfaitement notre philosophie : préserver les ressources et créer de la valeur durable.

Enfin, un troisième exemple marquant est celui de Phenix , un acteur majeur de l’anti-gaspillage alimentaire. Leur mission est de revaloriser les produits alimentaires invendus de la grande distribution pour leur donner une seconde vie. En quelques années, Phenix est parvenu à redistribuer plus de 120 millions de repas, tout en bâtissant un modèle scalable. Nous les avons accompagnés dans leurs premières années, en les aidant à structurer leur organisation et à passer du stade de start-up à celui de PME.

Ces trois exemples illustrent bien notre manière d’investir : identifier très tôt des entreprises capables d’avoir un impact concret et mesurable sur le climat ou les ressources, puis les accompagner dans la durée, de la phase de lancement à la consolidation de leur position de leader.

Vous placez l’ESG et l’impact au cœur de votre démarche. Comment cela influence-t-il votre processus d’investissement et le suivi de vos participations ?

Emmanuel GAUDÉ : Chez Starquest, l’ESG est indissociable de notre stratégie d’investissement. Nous ne nous contentons pas d’évaluer les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance : nous allons plus loin, en intégrant des objectifs d’impact mesurables directement dans la performance de nos fonds. Tous nos véhicules récents sont classés Article 9 au sens du règlement SFDR, ce qui implique un engagement fort et vérifiable.

Concrètement, une partie de notre rémunération – le carried interest – est indexée sur la réalisation de plans d’impact définis avec les dirigeants des sociétés accompagnées et mesurés par des tiers indépendants. Nous avons été parmi les premiers en France à le faire Depuis, cette part a progressé vers un équilibre entre performance financière et extra financière. Cet alignement traduit notre véritable engagement, notre ADN: démontrer notre capacité à générer de la performance financière et contribuer à un monde plus durable
Lorsqu’un investissement est envisagé, nous réalisons systématiquement un audit ESG en amont. Puis, en collaboration avec les fondateurs, nous élaborons un plan d’impact qui fixe des objectifs précis à atteindre : réduction des émissions, amélioration de l’efficacité énergétique, préservation des ressources, etc. Ce plan est soumis à notre comité d’impact, qui valide les indicateurs et les seuils de performance.

Tout au long de la vie du fonds, ce plan est suivi annuellement et ajusté si nécessaire. Nous faisons appel à des cabinets externes pour garantir l’objectivité de la mesure : Cority et Greenscope pour l’évaluation et le reporting ESG, impact climat ressource, Aktio pour le bilan carbone, et Darwin ainsi qu’Impact Labs pour les enjeux liés à la biodiversité. Enfin, lors de la sortie, un audit final permet de vérifier les résultats obtenus et d’évaluer la contribution réelle de notre investissement.

Cette rigueur méthodologique nous permet d’assurer une cohérence totale entre nos objectifs financiers et notre mission environnementale. Chez Starquest, la création de valeur et la création d’impact ne s’opposent pas : elles se renforcent mutuellement.

Qui sont aujourd’hui vos principaux investisseurs, et envisagez-vous d’élargir votre base de souscripteurs ?

Emmanuel GAUDÉ : Nos investisseurs sont majoritairement des acteurs institutionnels. Nous travaillons depuis plusieurs années, et nous en sommes très heureux, avec la Banque des Territoires, qui nous accorde sa confiance de manière constante, ainsi qu’avec de nombreuses mutuelles, compagnies d’assurance et banques. Parmi elles, le Crédit Agricole occupe une place importante, notamment à travers ses caisses régionales avec lesquelles nous développons régulièrement des co-investissements dans les territoires. C’est un modèle que nous privilégions, car il permet d’ancrer nos projets dans l’économie locale tout en renforçant la logique d’impact au plus près des besoins des régions.

En parallèle, nous comptons également des familles et family offices qui nous accompagnent depuis les débuts de Starquest. Ces investisseurs de long terme représentent aujourd’hui environ 20 à 25 % de nos encours sous gestion. Leur fidélité témoigne de la confiance construite au fil des années et de leur adhésion à notre approche de l’investissement durable et industriel.

Pour les prochaines années, nous envisageons effectivement d’élargir notre base d’investisseurs, tout en conservant cette stabilité institutionnelle. Avec le soutien de Montefiore, une offre à destination du retail est à l’étude. Dans ce cadre, une part des investissements de Starquest pourrait être intégrée à cette nouvelle offre, permettant ainsi à un public plus large d’accéder à des produits financiers orientés vers l’impact environnemental.

Enfin, à moyen terme, nous avons la volonté d’ouvrir davantage nos levées de fonds à des institutionnels européens. Aujourd’hui, près de 95 % de nos souscripteurs sont français. Le lancement du fonds successeur de Protect, prévu autour de mi-2027, marquera une étape importante : nous viserons alors un objectif de 250 millions d’euros, avec une ouverture plus large vers l’international et une diversification de notre base d’investisseurs.

Quelles technologies ou méthodes utilisez-vous aujourd’hui pour optimiser votre sourcing et l’évaluation des opportunités ?

Emmanuel GAUDÉ : Depuis nos débuts, nous avons toujours accordé une grande importance à la qualité et à la profondeur de notre sourcing. Cela fait maintenant dix-sept ans que nous construisons et enrichissons un CRM interne, véritable base de données vivante, qui recense aujourd’hui près de 4 500 sociétés technologiques françaises positionnées sur nos thématiques d’investissement : climat, ressources et biodiversité.

Ce suivi s’effectue de manière continue. Chaque interaction est enregistrée et des rappels automatisés nous permettent de rester en contact régulier avec les dirigeants. Ainsi, lorsque l’une de ces entreprises envisage une levée de fonds, nous sommes souvent présents très tôt dans la discussion, parfois avant même le lancement officiel du processus. Cela nous offre une longueur d’avance sur le marché et une vision fine des acteurs émergents.

Notre base s’enrichit constamment grâce à notre participation à des salons professionnels, des événements académiques, des start-up studios ou encore via notre réseau historique développé au fil des années. C’est cette connaissance approfondie de l’écosystème qui nous a permis de remporter plusieurs appels d’offres majeurs, comme ceux de la Caisse Centrale de Réassurance ou du fonds Biodiversité : nous pouvions déjà présenter un mapping complet de centaines d’entreprises pertinentes et démontrer des succès sur chacune de ces thématiques.

Nous cherchons désormais à automatiser davantage la collecte de deal flow. Le but est de gagner du temps dans les premières phases d’analyse, afin de pouvoir dire « non » plus rapidement et concentrer nos efforts sur les dossiers les plus prometteurs.

Enfin, nous venons de créer une nouvelle fonction interne : celle de Chief Scientific Officer. Ce poste a pour mission d’enrichir en continu les connaissances des équipes sur les dernières innovations scientifiques et réglementaires liées à nos secteurs d’investissement — hydrogène, cycle de l’eau, climat, ressources naturelles, biodiversité. Il sert de lien avec les comités et institutions scientifiques afin que nous restions toujours à la pointe des évolutions technologiques et environnementales. Il contribuera aux travaux de place sur les pratiques “best in class”.

Cette organisation nous permet de rester un fonds spécialisé, rigoureux et proactif, capable d’anticiper les grandes tendances d’innovation tout en sélectionnant les projets les plus pertinents sur le plan de l’impact.

Quelles sont vos ambitions à court et moyen terme pour Starquest ?

Emmanuel GAUDÉ : À court terme, notre priorité est le déploiement des deux fonds récemment remportés, qui représentent environ 400 millions d’euros à investir sur les cinq prochaines années. Cela correspond à une quarantaine d’opérations à mener, sur des thématiques directement liées à la prévention des risques climatiques, à l’adaptation des territoires et à la protection du vivant. L’enjeu est de structurer ces investissements avec cohérence, en contribuant à la création de véritables filières industrielles d’impact.

Pour accompagner cette phase d’expansion, nous renforçons également nos équipes. Nous recrutons actuellement quatre nouveaux profils, dont deux seniors spécialisés dans la green tech et un analyste avec quelques années d’expérience. L’objectif est d’intégrer des talents expérimentés capables d’apporter une expertise sectorielle approfondie, tout en préservant la culture d’entreprise qui fait la singularité de Starquest : une organisation horizontale, collaborative et très autonome, sans hiérarchie rigide, où la responsabilité individuelle et la proximité priment.

À moyen terme, notre ambition s’inscrit dans la dynamique du groupe Montefiore, qui vise à doubler ses encours pour atteindre 10 milliards d’euros sous gestion. Pour Starquest, cela signifie franchir le cap du milliard d’euros dans les années à venir. Ce développement passera naturellement par une ouverture européenne, avec un élargissement de nos activités potentiellement là où Montefiore dispose déjà de bureaux (Italie, Espagne). L’idée est d’y déployer la même approche d’investissement à impact, en capitalisant sur notre savoir-faire historique et notre réseau scientifique.

En somme, nous sommes dans une phase de forte croissance. Nous allons continuer à investir avec exigence, attirer des profils complémentaires, et élargir notre champ d’action sans jamais perdre ce qui constitue notre essence — être un pure player de l’impact environnemental et du vivant, alliant expertise industrielle, engagement humain et performance durable.

Au fil des années, Starquest s’est affirmé comme un acteur de référence du capital-investissement à impact, capable de conjuguer performance financière, innovation technologique et engagement environnemental. Fidèle à sa mission d’origine, le fonds a su construire un modèle d’investissement exigeant, fondé sur la compréhension des enjeux industriels et la proximité avec les dirigeants. En réunissant sous un même triptyque le climat, les ressources et le vivant, Starquest agit sur l’ensemble des leviers nécessaires à la transition écologique. Sa démarche démontre qu’un investissement peut être à la fois rentable, mesurable et porteur de sens. Plus qu’un positionnement, c’est une conviction profonde : l’impact n’est pas une tendance, mais une responsabilité, celle de bâtir une économie capable de durer.